«Un trop-plein de données de mesure
peut également être fatal
»

Les médias numériques permettent-ils de mieux évaluer la réussite des campagnes que les médias classiques ? Le Baromètre Effie révèle que cette idée est loin de convaincre tout le monde. Nous avons posé la question à deux spécialistes.

« Je comprends les gens qui disent que le numérique ne permet pas nécessairement de mieux mesurer le succès d'une campagne », confie Daan Richard, Strategy Director chez Prophets. Il ne doute pas que les médias numériques génèrent davantage de données, mais s'interroge plutôt sur la surcharge de données, qui entrave la capacité à tirer de bonnes conclusions sur l'efficacité d'une campagne. « La quantité de données va de pair avec leur signification. On voit de nombreux rapports sur des campagnes de bannières qui affichent des millions d'impressions, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure cela a généré du trafic ou de l'intérêt pour un produit. »

Mesurer l'efficacité marketing : vouloir, mais ne pas pouvoir pour l'instant

Surcharge de données

Davy Caluwaerts, Market Acceleration Lead Benelux chez Publicis Emil : « Un trop-plein d'informations peut en effet être fatal. Il y a une différence entre 'mesurer plus' et 'mesurer mieux'. 'Plus' n'est pas toujours synonyme de 'mieux' ; vous devez savoir précisément ce que vous cherchez. » Il convient donc d'établir des KPI clairs avant le début de la campagne, pour ensuite pouvoir en évaluer la réussite. « Bien, mais qu'est-ce que cela signifie, au juste ? » s'exclame Davy Caluwaerts. « Des KPI clairs doivent être adaptés au support et être réalistes. Si vous disposez de plus de données, la granularité de vos KPI doit aussi être plus élevée, surtout pour le numérique. »

Le Graal

Davy Caluwaerts met également en garde contre une confiance aveugle dans les mesures numériques. « J'adopte une position totalement agnostique envers les médias et je refuse de parler en termes de 'offline' et 'online'. Nous devons aussi nous méfier de la "perspective du Graal", qui nous pousserait à considérer le numérique comme la solution à tout ce que nous ne pouvons pas mesurer dans les médias traditionnels. Ce n'est pas la bonne attitude. Vous pouvez tirer autant d'enseignements de l''offline' que de l''online', à condition de vous y prendre correctement. »

Une question d'organisation

Il s'agit donc de réaliser une analyse claire, mais où est la solution ? Comment les annonceurs et leurs partenaires peuvent-ils utiliser les données mesurées de manière plus structurée ? L'organisation est le mot d'ordre pour les deux parties. « La mise en place d'un bon suivi est souvent problématique dans la pratique, surtout lorsque plusieurs parties travaillent ensemble », suggère Daan Richard. « C'est là que doivent intervenir les stratèges des agences de communication, car les clients aspirent à une bonne définition des KPI. Il arrive qu'ils soient inexistants ou qu'il n'y ait que des KPI commerciaux, qui nécessitent pourtant d'être traduits en KPI de communication. Nous endossons ce rôle en collaboration avec les partenaires médiatiques afin d'obtenir un plan média qui tient la route. »

Un nouveau modèle de collaboration

Selon Davy Caluwaerts, cette organisation implique cependant aussi un filtrage en vue d'optimiser la collaboration : « Les données ont un impact non seulement sur les KPI, mais aussi sur l'organisation interne. Réagir à cette tendance ne consiste pas simplement à nommer un collaborateur pour ajouter des données ; le changement doit se répandre dans l'ensemble de l'organisation. Le traitement des données nécessite un nouveau modèle de collaboration. »

Une créativité axée sur les données

Dans le cadre de ce modèle, le défi consiste néanmoins toujours à filtrer la multitude de données afin d'obtenir les bonnes informations et de les utiliser pour la planification des points de contact. « Mais pas seulement… », ajoute Davy Caluwaerts. « Ce modèle peut aussi encourager la création. Cette créativité axée sur les données est encore trop souvent négligée. Les données et la technologie estompent les frontières entre les métiers et les parties se réorganisent en conséquence. Au départ du consumer journey, vous pouvez envoyer ces données à toutes les parties concernées, et donc aussi à la création, pour élaborer un contenu qui correspond aux points de contact. Cette créativité dynamique, c'est l'apothéose. »

 

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